Les conseils de Prud’hommes de Troyes, d’Amiens et de Lyon ont récemment écarté l’application du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse instauré par les ordonnances « Macron » : ces décisions marqueront-elles la fin de ce barème d’indemnités, souvent décrié et peu avantageux pour les salariés ?
Crée par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L1235-3 du Code du travail met en place un barème d’indemnités fixes à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce barème permet de calculer ces indemnités de licenciement en multipliant le salaire brut du salarié par le nombre d’années d’ancienneté complètes cumulées par celui-ci au sein de l’entreprise, sans jamais dépasser 20 mois de salaires à partir de 29 ans d’ancienneté.
Cela étant, l’application de cet article a été récemment contesté par les conseillers prud’homaux avec, pour dernier en date, le Conseil de prud’hommes de Lyon le 21 décembre 2018.
Auparavant, les Conseils de prud’hommes de Troyes et d’Amiens avaient eu à se prononcer sur la conventionnalité de l’article L1235-3 du Code du travail, c’est-à-dire au respect par cet article d’une norme internationale qui lui est supérieure dans la hiérarchie des normes.En effet, la conformité de l’article L1235-3 du Code du travail à l’article 10de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à l’article 24de la Charte sociale européenneavait été relevée.
Résultat : les deux Conseils étaient d’accord pour admettre que l’article 10 de la convention 158 de l’OIT avait un effet direct « horizontal ». Autrement dit, les salariés sont en mesure d’invoquer directement cet article dans un litige les opposant à un employeur.
Dans un premier temps, par une décision du 13 décembre 2018, le Conseil de prud’hommes de Troyes retenait que l’article L 1235-3 du Code du travail, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, ne permettait pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariésinjustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice subi.
Selon le Conseil troyen ce barème ne permettrait pas non plus d’être dissuasif pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié.
À l’appui de cet argument, les conseillersfaisaient valoir la contradiction de ce barème avec une décision du comité européen des droits sociaux (CEDS), organe en charge de l’interprétation de la charte,celui-ci ayant jugé que la loi finlandaise fixant un plafond de 24 mois d’indemnisation était contraire à la Charte Sociale européenne (CEDS 8-9-2016 n° 106/2014).
Ce raisonnement a été suivi en partie par le Conseil de prud’hommes d’Amiens qui a conclu à la contradiction de l’article L1235-3 du Code du travail à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT par une décision rendue le 19 décembre 2018.
Deux jours plus tard, les conseillers prud’homaux de Lyon écartaient l’application du barème (sans même y faire référence) dans une espèce dans laquelle ils avaient accordé – au visa de l’article 24 de la Charte Sociale européenne – une indemnité égale à 3 mois de salaire à un salarié dont le contrat avait été abusivement rompu au bout d’un seul jour.
Il est donc à noter qu’un flou relatif entoure l’avenir du barème limitant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L1235-3 du Code du travail, et ce d’autant plus que le Conseil de prud’hommes du Mans avait au préalable fait application de ce barème,écartant son inconventionnalité, dans une décision du 26 septembre 2018.
Affaire à suivre devant les juridictions d’appel donc…
Les avocats de 9Trévise restent à jour de l’actualité pour défendre au mieux vos intérêts en cas de litige devant le conseil de prud’hommes.
#Droitdutravail #BarèmeMacron #indemnités #licenciementsanscauseréelleetsérieuse #droitdessalariés #Conseildeprudhommes