C’est une petite révolution dans le domaine du droit à la preuve de l’employeur qui a été opérée cet automne par la Cour de cassation. Dans un arrêt en date du 30 septembre 2020, la Cour de cassation a estimé que l’employeur pouvait produire des éléments émanant d’un compte Facebook privé d’un salarié dès lors qu’ils étaient indispensables pour justifier son licenciement et qu’ils permettaient de défendre les intérêts légitimes de l’entreprise.
Cassation sociale, 30 septembre 2020, n° 19-12058
Publier sur son compte privé des informations commerciales
En l’espèce, cette décision portait sur une salariée engagée en tant que chef de projet export par une société de prêt à porter qui avait publié, via son compte Facebook privé, une photographie de la nouvelle collection qui, jusqu’alors, n’avait été présentée qu’aux seuls commerciaux.
L’employeur ayant été informé de cette publication par une autre salariée autorisée à accéder au compte Facebook concerné en tant qu’« amie », a licencié la salariée pour faute grave pour violation de son obligation contractuelle de confidentialité.
La salariée a contesté son licenciement en faisant valoir que cette photo avait été obtenue de manière déloyale et qu’elle constituait une preuve portant atteinte à sa vie privée.
Une atteinte à la vie privée justifiée
Néanmoins, la Cour de cassation n’a pas suivi la salariée dans son raisonnement.
La Haute juridiction a estimé que, l’employeur, qui avait été informé spontanément de la diffusion de la photo litigieuse par une autre salariée, n’avait pas obtenu cette preuve de façon déloyale.
Par ailleurs, elle a estimé que même si la production en justice de la photo constituait une atteinte à la vie privée du salarié, cette dernière était indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires. Elle pouvait donc servir de preuve au licenciement de la salariée.
On rappellera que dans le cadre d’une procédure disciplinaire, notamment un licenciement, l’employeur doit faire preuve de loyauté pour établir la faute et que cette preuve ne doit pas porter atteinte à la vie privée du salarié.
Ces règles peuvent être écartées pour défendre un intérêt légitime de l’employeur, à condition toutefois :
- que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ;
- qu’elle constitue l’unique moyen de rapporter la preuve de la faute.
Cet arrêt vient modifier la jurisprudence de la Cour de cassation qui jusqu’à présent considérait que les propos d’un salarié, diffusés sur son compte Facebook ne pouvaient pas servir de preuve à l’employeur même si ce dernier y avait eu accès à partir du téléphone professionnel d’un autre salarié sans constituer une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée (Cass. soc. 20 décembre 2017, n° 16-19609).